148- ET QUE S'EST-IL PASSE APRES "LE BRAS D'HONNEUR"?

Publié le par OUDINE Anita

 

Le parc Chaumont, proche de l'avenue Simon Bolivar où habitait encore G.Laubie en 1999.

 

 

            

              Ainsi que je l'écrivais à la fin de l'article 145 - "Merci les artistes" - j'ai demandé à Nathalie, la fille de Gérard Laubie, de me faire un petit résumé de ce qui s'était passé après cette dernière exposition à Massillargues, en 1998. 


             
Le voici : 

            1999 - Dans leur appartement de l'avenue Simon Bolivar à Paris, les "clashes" se multiplient entre Papa et Lise dont l'état de santé s'est aggravé. Elle se réfugie de plus en plus souvent chez ses filles, ce qui rend Papa très malheureux et agressif.


            2000 - A la demande de Lise, ils se séparent, et plus tard, Papa demande le divorce. Massillargues est vendue dans la foulée, et là, Papa commence vraiment à changer complètement.

            Il ne supporte pas de vivre seul dans son appartement. Et c'est alors, que, malheureusement, en mai 2000, nous rentrons de Dublin pour emménager à La Rochelle.


           2001 : il vend son appartement parisien sur un coup de tête et je pense faire son bonheur en lui en trouvant un autre, plus petit mais très agréable, aux Hespérides, à Nogent, où quelques artistes de sa connaissance - dont Subira-Puig - résident encore.

            Mais c'est un échec complet : il déteste l'endroit, et les artistes ne répondent pas à ses coups de fils désespérés. Il fait fuir tout le monde et se fait détester dans la résidence du fait de son comportement agressif et provocateur... Pauvre Papa !

            Son état empirant, il va soigner sa dépression dans une clinique de St Denis. Et c'est là que le psychiatre diagnostique une dégénérescence évolutive des neurones... C'est un terrible diagnostic auquel je me refuse de croire. Mais... Avec le recul, je comprends que cela avait sans doute démarré vers les années 96 ou 97...


 

 

 La Rochelle où est venu G.Laubie à partir de l'année 2003

 

 

               Lorsqu'il sort de clinique, il n'est plus question qu'il retourne aux Hespérides, et je souhaite l'avoir près de moi. En avril 2003, je trouve à La Rochelle une Maison de Retraite, peu médicalisée, mais où il dispose d'un petit appartement à proximité du port des Minimes.

              Mais là, son caractère "hors normes" et son attitude si peu conforme à ce que l’on attend d’une "personne âgée" font qu’il est mis à la porte en septembre 2003.


            Je retrouve une place dans une autre Maison de retraite de La Rochelle: la Résidence de la Claire Fontaine. Mais là, le personnel ne se montre pas plus compréhensif que dans la précédente, et en octobre 2004 il est à nouveau mis dehors !

            C'est alors que se libère une chambre à la Résidence de Beaulieu, à Puilboreau. Et comme tu le sais, il y séjournera jusqu'à ce triste 24 août 2006... 


            Quant à Lise, elle est décédée le 27 mars 2004 dans sa maison, des suites d'un coma diabétique. Elle avait rendu visite à Papa deux ou trois fois aux Hespérides.


             Voilà, tu as le condensé d'une fin de vie pas très drôle. Tu peux te rendre compte combien cette "descente en enfer" a été rapide. A chaque changement de lieu son état physique et psychique se dégradait également très vite... Et pourtant son esprit restait miraculeusement intact. C’était bien là le drame de Papa : "Tout qui s’barre", et il le sait.


             Heureusement, avec mes prières aux anges et le miracle de ta rencontre avec lui, il lui a été possible de vivre, durant ses derniers mois sur terre, une vie parallèle venant transcender toute cette misère. Grâce à toi et à la relation très forte qui s’était établie entre vous il avait retrouvé un sens à sa vie.

 

            Et c’est vrai qu'au fil des jours il s'était établi une très grande complicité entre Gérard Laubie et moi. Quelque chose d'exceptionnel je crois...

            Nous avions tant de points communs : le plaisir de jouer avec les mots, d'écouter du jazz ou de vieilles chansons de Radio-Nostalgie passant "en boucle" dans sa chambre, le même sens de l'humour et du merveilleux... Nous aimions les mêmes poètes, les mêmes écrivains - et par dessus tout Saint-Ex à cause de son petit Prince !... 


            Il y avait bien sûr, aussi, nos séances "de travail", qui consistaient à ce que je mette par écrit tous les souvenirs qui lui revenaient en vrac...


            Car, initialement, c’est pour cela, qu’en tant que visiteuse bénévole, j'avais été mise en relation avec lui, au tout début de l’année 2005 : "il y a, chambre 11, un vieux monsieur qui ne peut plus écrire lui-même mais qui a pourtant encore plein de choses à raconter"... 


           Au début, cela n'a pas été vraiment facile car, comme il se refusait à mettre dans sa bouche son appareil dentaire, sa diction n'était pas toujours bien audible. Puis je me suis habituée... Et surtout, j'ai découvert quelle richesse, quelle intelligence, quel trésor de sensibilité il y avait à l’intérieur de ce pauvre corps déformé !

            Et dès lors, je lui ai rendu visite chaque après-midi.

           Au début nous nous installions dans la grande salle commune, mais après qu’il ait eu à subir quelques remarques cinglantes de la part de certaines employées dès que son attention se relâchait, du genre : "appliquez vous M. Laubie, cette dame est bien gentille de venir vous faire travailler" - quelle dérision ! - j’ai préféré que nous restions dans sa chambre.


             Il m’a raconté Paris, qu’il connaissait "comme sa poche". Il me disait qu’un jour, il m’emmènerait à "La Closerie des Lilas" où il était beaucoup allé du temps de la Galerie de Beaubourg, puis plus tard avec son gendre Thomas Woods. Et bien sur, je faisais semblant de croire à son rêve...  Et j'avais affiché la photo ci-dessous dans sa chambre :



La Closerie des Lilas à Paris, 171 bd du Montparnasse à Paris.

"Il y avait là un piano bar qui jouait parfois « Summertime » de Sydney Bechet…"

 C'était un des morceaux de jazz préféré de Gérard Laubie...

 

             Ce que dit sa fille Nathalie dans son petit résumé de fin de vie est parfaitement exact : l’esprit de son papa est toujours resté intact, même lorsque sa mémoire s'est mise à le trahir de plus en plus souvent, que ses troubles du comportement se sont intensifiés, et que son état physique s'est détérioré chaque jour davantage... 

          Il en était conscient, et je devais le rassurer en permanence en lui affirmant que, seul, ce qu’il y avait l’intérieur" était important.


            Il avait droit à 5 cigarettes par jour, qu’il devait aller réclamer à l'accueil et impérativement fumer à l’extérieur, à des heures imposées. C’était des moments de bonheur.

            Mais de plus en plus fréquemment il était "puni" pour des comportements agressifs - le plus souvent pour avoir menacé de sa canne un autre résident - ou encore, pour avoir fumé en cachette dans sa chambre...

            Ces punitions étaient également un "crève-coeur" pour moi.



            Puis, au cours des premiers mois de l'année 2006, ses difficultés pour marcher se sont accrues... Il perdait l'équilibre, tombait de plus en plus souvent... 

           De sa dernière chute, le 20 juillet au soir dans sa salle de bain, il ne se remettra jamais...

          Oedème pulmonaire, long séjour à l’hôpital de La Rochelle, retour dans sa chambre de la Maison de Retraite, mais pour quelques jours seulement, puisqu’il s’y éteint le 24 août au matin.



            Mais son souvenir, lui, n'est pas prêt de s'éteindre dans nos mémoires et dans nos coeurs !



A.O.

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans biographie

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